Dans le train de Bienne en direction de Zurich, une jeune femme et un homme sont assis face-à-face. Les deux présentent au contrôleur leur abonnement général. Le journaliste Werner de Schepper décrit l’échange de propos environ deux semaines plus tard: «Hé, c’est quoi ça? dit l’homme au contrôleur dans le meilleur dialecte soleurois. «J’ai payé plus de 3500 frs. pour cet abonnement général et tu ne le regarde même pas vraiment. Tu ne me prends pas au sérieux? Que fais-tu ici de toute façon? Retourne en Afrique». Le fonctionnaire des CFF, la mi-quarantaine, noir de peau, commence par sourire et veut s’expliquer, mais déjà l’usager se lève et le couvre d’insultes. En entendant les mots «nègre» et «africain de merde» la femme essaye de l’interrompre: «Qui se montre grossier ici? Je vous prie d’arrêter.» L’homme explose de colère, essaie d’en venir aux mains avec le conducteur. Ce dernier recule, choqué. Et là quelque chose se passe: trois hommes dans la soixantaine arrivent par derrière et s’interposent entre le fou furieux et le contrôleur. Le train entre en gare de Soleure et s’arrête. Courageusement, les trois messieurs d’âge mûr, qui parlent également le dialecte, poussent le quérulent à l’abonnement général hors du train.» Le journaliste raconte ensuite comment le contrôleur est revenu remercier la dame et les trois messieurs qui avaient pris sa défense: « Que je sois insulté pour ma couleur de peau m’arrive fréquemment, mais que je sois agressé, cela ne m’était encore jamais arrivé. Ni d’ailleurs que des gens prennent si courageusement ma défense.
